Quand je dessine une histoire, je me mets dans le paysage, dans le flou d'un petit matin gaumais. Tu vois c'est un pays où il y a des belettes, des orchidées sauvages, un coin oublié.
La Gaume, c’est au bout du mont, plus bas que Bouillon, d'où vint Godefroid, à la gauche d'Arlon, là où les gens commencent à parler allemand.
Un pays grand comme trois mouchoirs de poche, que les hauteurs boisées de la farouche Ardenne protègent de la bise du Nord.
Une terre grisâtre d'argile, des forêts de chênes et de hêtres, des maisons de grès gris-jaune au toit d'ardoise Des gens plus ouverts, plus cordiaux que les sombres Ardennais vivant à quelques kilomètres.
C'est là que Jean-Claude Servais et son scénariste Dewamme se sont rencontrés.
Servais dit
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J'étais en uniforme de soldat enfermé dans une caserne.
Il y avait un type trapu, costaud qui enseignait la langue française, mais que son devoir militaire avait fait infirmier dans une caserne. Il était fana de bandes dessinées, je voulais faire du dessin,
il habitait à moins d'une lieue de chez moi et il a fallu l'armée pour que l'on se rencontre.
C'est dans son ami 8 verte qu'on a créé l'histoire de Tendre Violette.
On a réalisé quelques histoires de Magie et de Sorcellerie pour Tintin et avant ça Iriacynthe chez un petit éditeur.
Dewamme dit qui ne croit pas aux légendes. Il se défend d'accorder du crédit aux récits magiques qu'il écrit... Moi, je n'ai pas peur de le dire, j'y crois. J'y crois un peu. Quand je dessine une histoire, je me mets dans le paysage, dans le flou d'un petit matin gaumais. Tu vois c'est un pays où il y a des belettes, des orchidées sauvages, un coin oublié.
Le cri d'un freux résonne au loin en écho. Alors, je rêve sur mon dessin. Je plane un peu je sens l'odeur des feuilles du sous-bois, je m'égratigne aux ronciers, j'entends le bruit mouillé de mes pas dans les terres basses.
Comment veux-tu ne pas sentir la présence des fées, de ces génies qu'on appelle des nutons, de tout un surnaturel qui flotte dans te brouillard du crépuscule, dans la chaleur bourdonnante d'un midi d'été, dans le silence cotonneux d'un vallon tapissé de neige?
Quand on vit ici, on en reçoit quelque chose j'essaie de faire passer dans mes dessins un peu de l'ambiance du pays. Des impressions qu'on peut effacer?"
